"Comprendre qu'il n'y a personne d'autre que moi dans cette
maison où nous avons été deux. Et que ça va durer. Que cette
chose-là nous est arrivée. Que les choses qui arrivent en ce
monde ne sont pas réversibles." La passe est le journal d'un
deuil, double deuil en quelque sorte ou deuil impossible,
puisque le compagnon qu'Antoinette Dilasser a aimé et
soutenu, l'immense peintre si peu bavard auquel elle a donné
ses mots, n'est pas mort : il vit dans une maison pour malades
qui ont oublié qui ils sont. "Le roi a perdu sa couronne" et
l'épouse note les événements du quotidien, les souvenirs d'une
existence commune toute vouée à la peinture, les réflexions
sur la marche du monde, sans jamais forcer le sens, sans
chercher à obtenir de consolantes réponses. Ce texte, traversé
de part en part par la crainte et la tendresse, dit l'amour de la
peinture, un peu, l'amour inépuisable de la vie, beaucoup, et
travaille à accueillir calmement l'inéluctable.